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Sur la doctrine des “enfants sorciers”, fruit d’un “mari de nuit”
Conclusion :
La doctrine des “enfants sorciers” doit être rejetée sous les deux formes :
– l’idée qu’un enfant puisse être possédé par un démon dès sa naissance et doit être exorcisé simplement parce que sa mère est considérée comme une sorcière ;
– l’idée qu’un enfant est l’enfant de sa mère et d’un “mari de nuit” (un démon qui a mis la mère enceinte au cours d’un rêve érotique) et doit donc être éliminé d’une manière ou d’une autre. Ceux qui les promeuvent ne peuvent pas avoir le droit d’être membres du Synode Fédéral ou de l’une de ses dénominations. Par cela, le Synode Fédéral réitère et développe un point de vue déjà exprimé en 2008 par le Conseil Administratif du Culte Protestant et Évangélique lors d’un colloque au Parlement fédéral : « Nous n’avons absolument rien à voir avec ces mouvements et nous n’avons aucune complaisance à l’égard de ces pratiques ».
Contexte et objectif de la doctrine
Au sein du Synode Fédéral, il n’est pas nié que l’oppression par ou la dépendance d’un démon existe, même lorsque nous parlons de chrétiens. Néanmoins, nous devons être très prudents avant de dire que quelqu’un se trouve dans cette situation. À propos d’enfants, cela devient même très problématique, même si nous savons que cela peut arriver (Mt 15.21-28 ∥ Mc 7.24-30 ; Mt 17.14-21 ∥ Mc 9.14-29).
Dans ce cas, nous parlons d’une situation dans laquelle on dit que l’enfant présente des formes extrêmes d’entêtement, qu’il échappe à la scolarité et qu’il a un penchant à être de connivence avec d’autres sorcières pour faire des ravages et étouffer le progrès économique, matériel et spirituel de sa propre famille (Mercer 2013: 600-601 ; Bangura 2013: 200 ; van der Meer 2010: 23- 24 ; Ngong 2010). On dit que les démons possèdent ces enfants de leur plein gré ou autrement (Bangura 2013: 200). Pour être libérés de l’emprise des démons, ils doivent subir des formes extrêmes d’exorcisme exécutées par des personnes spéciales, avec une récompense financière. Cela pourrait équivaloir à infliger un préjudice personnel à “l’enfant sorcier” afin qu’il soit forcé de confesser son implication dans la sorcellerie et soit délivré de la possession des esprits démoniaques. Parfois, les séances de délivrance des enfants accusés d’être “enfants sorciers” se produisent pendant les vacances et en dehors de la Belgique, dans les pays d’origine des parents. Pendant la délivrance, le démon doit être appelé par son nom et recevoir l’ordre de partir. L’autorité du nom de Jésus est utilisée pour chasser les démons et libérer la victime de son esclavage. Pour justifier les deux croyances selon lesquelles un enfant pourrait être possédé par des démons pour lesquels ils doivent subir des rituels de délivrance élaborés, on cite les textes de Marc 7.25-30, 9.17-29 et d’Actes 16.16-24 sont cités.
La doctrine des “enfants sorciers” dans sa forme la plus développée postule qu’un enfant a été engendré par un démon (“mari de nuit”), de sorte que cet enfant est à moitié humain et à moitié démoniaque (dans ce cas aussi appelé “enfants démons”), ce qui fait qu’il n’y a aucun problème aux yeux de ceux qui suivent cette doctrine à négliger et/ou torturer l’enfant. Cette paternité doit être prise à la lettre selon les partisans de cette doctrine : se référant à Genèse 6.1-4, ils parlent de « semence sur le lit », alors qu’aucun homme n’était là.
Problèmes créés par cette doctrine
Alors que la croissance de l’Église dans le monde non-occidental et sa propagation parmi les communautés religieuses de la diaspora en Occident a été saluée, cette croissance court le risque d’introduire des croyances et des pratiques non bibliques dans l’expérience de la foi et dans la pratique de la vie de l’église. Même si la montée fulgurante du pentecôtisme est associée à la capacité de la foi à traiter certaines questions sans réponse de manières qui ont du sens pour les adhérents qui ont fort tendance à prêter attention aux réalités spirituelles traditionnelles (Anderson 2014: 135), une réapparition sans précédent de la spiritualité ancienne semble cependant se produire simultanément (Cox 1996: 83). Pour cette raison, la croyance qu’un enfant pourrait être possédé par un démon et la pratique de soumettre ces “enfants sorciers” à des rituels de délivrance laborieux compromettant leur sécurité personnelle soulèvent plusieurs problèmes critiques pour la vie et le ministère de l’église.
Exégèse
Premièrement, la doctrine selon laquelle les enfants pourraient être possédés de cette façon par des démons n’est pas elle-même basée sur une lecture attentive de la Bible. C’est une évolution surprenante, car parmi les pentecôtistes immigrés, la Bible est considérée comme la Parole de Dieu faisant autorité et comme l’arbitre final en matière de foi et de pratique. Cependant, il n’est pas nécessaire de lire beaucoup avant de se rendre compte que dans les quatre passages bibliques cités ci-dessus (Gen 6.1-4 ; Mc 7.25- 30 ; 9.17-29; Ac 16.16-24) sur laquelle la doctrine des “enfants sorciers” est basé, aucun des enfants en question n’a causé des ravages étouffant le progrès économique, matériel et spirituel de sa famille. En fait, l’un d’entre eux était économiquement avantageux pour la famille. En effet, il est difficile de comprendre la signification de Genèse 6.1-4, mais lorsque plusieurs interprétations existent, nous ne pouvons jamais opter pour une interprétation contraire au reste de l’enseignement biblique. De telles lectures unilatérales de la Bible sont néfastes pour la croissance du christianisme biblique parmi les communautés chrétiennes immigrées.
L’usage abusif de la violence, en particulier envers les enfants, doit être répudié (Éph 6.4).
Le pasteur mérite un salaire convenable, mais ses services ne peuvent pas être conditionnés par des finances (Mt 10.8; II Cor 11.7b).
Quand la Bible parle du jeûne dans le contexte de l’exorcisme (Mt 17.21 ∥ Mc 9.29), le jeûne est attendu du côté des disciples, qui ne devraient pas penser qu’ils seraient capables de chasser le démon de leurs propres forces ou que cela se produirait automatiquement par leurs mots. Ce n’est toutefois pas le cas : le croyant prie humblement et ne pense pas qu’il puisse commander Dieu, comme le fait le magicien (Yamauchi 1983: 174-175).
Évangile, culture, paganisme
Deuxièmement, il faut soigneusement reconsidérer la pression qui incite à relier la Bible aux cultures des personnes qui reçoivent l’Évangile, se convertissent et deviennent des chrétiens pratiquants. Bien que la contextualisation invite les convertis à relier le message de l’Évangile à leurs cultures, ceux-ci doivent permettre à l’Évangile biblique de désapprouver des pratiques culturelles. Malgré l’importance de la culture, on ne peut pas dire que quelque chose doit être acceptable pour les chrétiens simplement parce que cela fait partie de la culture. La culture doit être purifiée par notre compréhension de l’enseignement biblique (Éph 4.17-24). Une compréhension holistique de l’Évangile doit déterminer les pratiques théologiques que les fidèles doivent adopter après la conversion. Dans le cas contraire, les chrétiens restent attachés en partie à des pratiques païennes et seraient coupables de mettre de côté la Parole de Dieu à cause de traditions humaines (cf. Mc 7.8-13). Les choses tournent terriblement mal lorsque les démons sont au centre de chaque culte et non la grâce et l’honneur de Dieu.
Conflits familiaux
En troisième lieu, la doctrine en jeu aboutit toujours à des conflits entre les familles dans les églises concernées et même au sein des familles et des mariages. L’enfant en question n’est pas reconnu comme un mineur qui a besoin d’être protégé par des membres adultes de la communauté religieuse. Au contraire, parce que l’enfant est perçu comme un produit de la sorcellerie, cela signifie que la famille de l’enfant pourrait être tournée en dérision et que lui-même pourrait subir des agressions physiques. Même si la communauté de foi ne croit pas que ces actions soient nuisibles à l’enfant, elles sont éthiquement condamnables parce qu’elles ne parviennent pas à protéger la partie même de la communauté de foi qui devrait bénéficier d’une entière protection (cf. Mt 25.40; I Thess 5.14 ; Prov 14.31).
Il est inacceptable que des pasteurs liés à nos églises soient connus pour de l’intimidation, des abus physiques et de la torture à l’encontre de personnes accusées de sorcellerie et de patients mentalement malades (Adinkrah 2011: 745-747 ; tous les exemples ne concernent pas des groupes chrétiens) ou pour avoir demandé de l’argent avant de vouloir prier.
Il est particulièrement douloureux de voir que cette doctrine n’est arrivée dans les cercles chrétiens qu’au moment de l’exode de l’intérieur du Congo en raison des circonstances de guerre, à une époque où les enfants étaient considérés comme “superflus”, ou sans protection car leurs propres parents n’étaient plus tous les deux en vie (YouTube 2018: 10′).
Santé mentale
Quatrièmement, les églises qui supposent que les enfants pourraient être possédés par des démons courent le risque de ne pas avoir d’attention pour leur santé mentale et leur bien-être. Dans la plupart des cas, le comportement erratique des enfants à cause duquel ils sont accusés de possession démoniaque pourrait être expliqué par un praticien compétent lorsque la santé mentale de l’enfant est soigneusement évaluée. Ceux qui s’occupent des soins pastoraux dans les communautés chrétiennes doivent apprendre à discerner ce qui est du domaine de la psychiatrie qui pourrait être traité en utilisant les thérapies appropriées. La santé mentale de tous les paroissiens doit être prise en considération lors de traitement de ces questions, parce que Dieu est préoccupé par la paix et la santé mentale de toutes les personnes qui ont placé leur confiance en Lui (cf. Col 3.15; I Thess 5.13; És 26.3).
Il faut être attentif à ce que ceux qui croient avoir été délivrés d’un attachement démoniaque ne deviennent pas dépendants de ceux qui se sont occupés pastoralement d’eux.
Quelques réponses à cette doctrine
La doctrine des “enfants sorciers” est basée sur l’intégration trop facile d’une tradition culturelle (cf. Kalu 2008: 178). Cette intégration ne peut pas être fondée sur une exégèse de Genèse 6, car elle ne peut pas être combinée avec l’enseignement global de la Bible. La Bible – lue dans son intégralité, et non à travers des textes isolés – est et doit toujours être la norme pour le Synode Fédéral.
De plus, cette doctrine, dans ses effets, conduit facilement à des actions envers les enfants (négligence et mauvais traitements, et même cruauté), qui sont inacceptables pour un chrétien et sont interdites par la législation sur les droits des enfants. Le Synode Fédéral veut rester dans les limites de la législation belge, d’autant plus qu’il n’y a pas dans cette matière de contradiction entre la Bible et la législation. Par conséquent, les églises chrétiennes doivent agir de la façon suivante.
Prière
Les serviteurs de Dieu devraient prier, et encourager les parents à suivre une façon de penser chrétienne. Dans Matthieu 28.20, nous lisons la promesse que Jésus marchera avec ses disciples jusqu’à la fin des temps. Comme Il est le même hier, aujourd’hui et éternellement (Héb 13.8), Il chassera aussi les démons comme Il l’a fait pendant son ministère sur terre.
Ministère parmi les enfants
Il doit y avoir un ministère parmi les enfants approprié qui éveille l’intérêt des enfants et leur fournit le soutien biblique, psychologique et moral dont ils ont besoin pour grandir.
Formation pastorale
Les équipes pastorales et les communautés confrontées avec ce genre de problèmes ont besoin d’une formation en matière de relation d’aide et de santé mentale, de sorte que la santé mentale et spirituelle de tous les paroissiens (y compris les enfants) soit prise en considération lorsqu’ils répondent à leurs besoins.
Espace pour les spécialistes
Si ces interventions ne parviennent pas à résoudre le problème, il faut référer la personne sans délai vers des travailleurs sociaux et le personnel chargé de l’application des lois afin que les enfants puissent être protégés.
Conclusion
La doctrine des “enfants sorciers” doit être rejetée sous les deux formes :
– l’idée qu’un enfant puisse être possédé par un démon dès sa naissance et doit être exorcisé simplement parce que sa mère est considérée comme une sorcière ;
– l’idée qu’un enfant est l’enfant de sa mère et d’un “mari de nuit” (un démon qui a mis la mère enceinte au cours d’un rêve érotique) et doit donc être éliminé d’une manière ou d’une autre. Alors que les églises qui enseignent ces doctrines sur les enfants sorciers aimeraient être vues comme des gens qui croient en la Bible, ces doctrines sont tout simplement fausses et doivent être rejetées : elles ne peuvent pas être basées sur la Bible et ne sont pas compatibles avec elle. Ceux qui les promeuvent ne peuvent pas avoir le droit d’être membres du Synode Fédéral ou de l’une de ses dénominations. Par cela, le Synode Fédéral réitère et développe un point de vue déjà exprimé en 2008 par le Conseil Administratif du Culte Protestant et Évangélique lors d’un colloque au Parlement fédéral : « Nous n’avons absolument rien à voir avec ces mouvements et nous n’avons aucune complaisance à l’égard de ces pratiques ».
Sources
- Adinkrah, Mensah. “Child witch hunts in contemporary Ghana.” Child Abuse & Neglect 35 (2011): 741-752.
- Anderson, Allan. An Introduction to Pentecostalism: Global Charismatic Christianity. Cambridge: CUP, 2014².
- Bangura, Joseph Bosco. The Charismatic Movement in Sierra Leone (1980-2010): A Missio-Historical Analysis in View of African Culture, Prosperity Gospel and Power Theology. Thèse de doctorat. Leuven/Amsterdam: Evangelische Theologische Faculteit / Vrije Universiteit Amsterdam, 2013.
- Cox, Harvey. Fire from Heaven: The Rise of Pentecostal Spirituality and the Reshaping of Religion in the Twenty-First Century. London: Cassell, 1996.
- Kalu, Ogbu. African Pentecostalism. An Introduction. Oxford: UP, 2008.
- Mercer, Jean. “Deliverance, demonic possession, and mental illness: some considerations for mental health professionals.” Mental Health, Religion & Culture 16/6 (2013): 595-611.
- Ngong, David Tonghou. The Holy Spirit and Salvation in African Christian Theology: Imagining a More Hopeful Future for Africa. New York: Lang, 2010.
- Van der Meer, Erwin. “Strategic level spiritual warfare and missions in Africa.” Evangelical Review of Theology 34/2 (2010): 155-166.
- Yamauchi, Edwin M. “Magic in the Biblical World.” Tyndale Bulletin 34 (1983): 169-200.
- Youtube pfG93DYMGec (2018; accédée le 9.IX.2020).